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Le dialogue anglican-catholique réfléchit sur une nouvelle affirmation de l’unité, de nouveaux signes de tension

Dialogue: Anglican-Roman Catholic
Date published: Mar. 3, 2007
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Le dialogue anglican-catholique réfléchit sur une nouvelle affirmation de l’unité, de nouveaux signes de tension

Coprésidents: Mgr François Lapierre, P.M.E. (diocèse de Saint-Hyacinthe), le Très Rév. Bruce Stavert (diocèse de Québec). Présents: le Dr Susan Brown (King’s University College,University of Western Ontario, London), le Dr Catherine Clifford (Université St-Paul, Ottawa), M. l’abbé Jacques Faucher (archidiocèse d’Ottawa), le Rév. Kevin Flynn (Université St-Paul, Ottawa), le Dr Joseph Mangina (Wycliffe College, Toronto), le Rév. Dr David Neelands (Trinity College, Toronto).
Secrétaire du dialogue pour l’Église anglicane du Canada : la Rév. Chan. Alyson Barnett-Cowan. Rapporteure pour la Conférence des évêques catholiques du Canada : Mme Janet Somerville.
Excusés: Mme Ann Cruickshank (Hudson, QC); le R.P. Luis Melo S.M. (Université du Manitoba); M. l’abbé Gilles Routhier (Université Laval, Québec); la Rév. Capitaine Michelle Staples (Aumônerie des Forces canadiennes).

Quoique le mauvais temps, le décès de proches et une nouvelle affectation militaire (un membre est aumônier des Forces canadiennes) empêchent quatre participants réguliers d’être présents, les membres du dialogue anglican-catholique officiel s’attaquent à un ordre du jour chargé, du 1er au 3 mars, au Galilee Retreat Centre d’Arnprior, en Ontario.

Le programme comprend l’étude de documents qui reflètent différentes dimensions des conversations qui se poursuivent à divers niveaux à travers le monde entre anglicans et catholiques, dans un effort conjoint pour discerner comment respecter le mieux possible, ici et maintenant dans la vie de leurs églises, la volonté du Christ qui appelle ses disciples à l’unité.

L’un des axes de cette conversation mondiale est le dialogue théologique de la Commission internationale anglicane-catholique (ARCIC). Depuis 1970, les déclarations conjointes de cette Commission ont proposé des formulations communes renouvelées sur plusieurs points de doctrine fondamentaux pour la foi de l’une et l’autre tradition. Ses déclarations conjointes précédentes (sur l’Eucharistie, sur le ministère, sur l’autorité dans l’église et, par la suite, sur le salut, sur l’église comme communion et sur la vie dans le Christ) ont aidé les membres des deux églises à comprendre la portée de leur entente sur la doctrine fondamentale tout en faisant ressortir les problèmes sur lesquels persiste le désaccord.

La déclaration la plus récente est l’étude de l’ARCIC II sur Marie dans la tradition chrétienne : Marie : grâce et espérance dans le Christ. Le texte a déjà fait l’objet de deux réunions du dialogue anglican-catholique au Canada (ARC), qui comprenaient toutes les deux des conférences publiques au sujet de la déclaration. Le 1er mars, les théologiens canadiens, guidés sur ce point par le docteur Catherine Clifford, de l’Université St-Paul d’Ottawa, exposent les grandes lignes de leurs réflexions sur Marie grâce et espérance en vue d’une publication éventuelle. Les ébauches de cette réflexion en cinq temps seront rédigées d’ici la réunion que tiendra le groupe en septembre. Les idées de cet essai sur Marie sont claires à l’esprit de tout le monde mais la stratégie de publication continue de poser question. S’agira-t-il d’un enseignement oecuménique offert aux fidèles ordinaires au Canada? Ou est-ce que l’intervention prendra la forme d’une réaction canadienne officielle à ARCIC II pour aider le groupe international à mesurer la réception de son travail dans le contexte canadien, avec sa mémoire et ses possibilités particulières? (Marie : grâce et espérance dans le Christ a été complétée en 2004, publiée en 2005, et continuum (London, New York) a fait paraître en 2006 une édition commentée avec des pistes pour l’étude, sous la direction de Donald Bolen et Gregory Cameron (258 pages).

Un autre volet important s’est ajouté récemment à la série des contacts anglicans-catholiques : la Commission anglicane-catholique internationale pour l’unité et la mission (IARCCUM). Née en l’an 2000, cette nouvelle commission réunit des évêques des deux églises. Ils ont pour mandat, sur la base de l’expérience positive de quarante ans de dialogue théologique, d’exercer un leadership pastoral dans la croissance commune des deux églises, « afin de traduire notre accord manifeste sur la foi en une vie et une mission communes », comme l’écrivaient les coprésidents en octobre 2006.

Grandir ensemble dans l’unité et la mission est l’heureux premier-né de l’IARCCUM. Long de quarante pages, le texte déborde de suggestions pratiques sur la façon pour les catholiques et les anglicans de travailler ensemble plus souvent au service de leur prochain, de prier et d’étudier ensemble plus régulièrement, de célébrer ensemble le sens de leur baptême dans le Christ et de vivre des fruits de la foi qu’ils partagent en rejoignant la base de chacune des deux églises. Les théologiens de l’ARC prennent connaissance de cette déclaration pour la première fois le 2 mars et conviennent dans l’enthousiasme de la recommander aux évêques et aux responsables de l’oecuménisme des deux églises. Les quatre participants qui sont professeurs et/ou administrateurs d’écoles supérieures de théologie relèvent qu’au Canada plusieurs des recommandations de Grandir ensemble sont déjà la norme.

Pour étudier Grandir ensemble dans l’unité et la mission, le groupe peut compter sur l’apport d’un expert. Le Très Rév. John Baycroft, aujourd’hui à la retraite et résidant à Ottawa, a dû affronter une tempête de neige pour venir rencontrer l’ARC. Le Très Rév. Baycroft a fait partie de l’IARCCUM depuis le tout début et il a été l’un des rédacteurs du document qui vient de paraître. Il souligne que Grandir ensemble constitue une première dans l’histoire oecuménique anglicane-catholique puisqu’il s’agit d’une déclaration conjointe faite par des évêques des deux églises. À ce titre, le document n’a pas à « attendre la réception » des dirigeants des églises, comme c’est habituellement le cas pour les documents conjoints des dialogues théologiques. Il constitue en lui-même l’acte de réception par des dirigeants ecclésiastiques de la convergence reconnue à travers toute une génération au niveau de l’expression de la foi.

Un incident en marge de Grandir ensemble fait toutefois ressortir un aspect différent de notre histoire oecuménique récente. Une ébauche de ce texte était prête il y a près de quatre ans. Mais de sombres nuages ont surgi à l’horizon quand la communion anglicane internationale s’est trouvée plongée dans un débat historique difficile à la suite de développements survenus dans les deux églises d’Amérique du Nord. Au Canada et aux Etats-Unis, plusieurs membres de la communion anglicane estiment que l’église devrait reconnaître et bénir les unions fidèles et engagées entre conjoints de même sexe. Cette conviction est fortement contestée par certaines personnes à l’intérieur des églises nord-américaines et par des groupes plus nombreux ailleurs dans le monde anglican. Le débat qui en résulte menace le lien de pleine communion entre les « provinces » anglicanes à travers le monde.

Faut-il voir dans l’interprétation des sources de la révélation quant à la volonté de Dieu sur les personnes d’orientation homosexuelle un facteur de « division de l’église »? Si les anglicans, en conscience, divergent d’avis sur cette question, peuvent-ils néanmoins demeurer en communion ecclésiale entre eux? Certaines provinces anglicanes, par exemple, n’ordonnent pas de femmes à la prêtrise mais cette divergence n’a pas amené de provinces anglicanes à se retirer de la communion. Et quelle devrait être la démarche à suivre au niveau international pour trancher cette question âprement disputée? Dans chacune des provinces et des diocèses, il y a une procédure en place pour la recherche du consensus en matière de doctrine. Mais quelle sera la procédure pour la communion anglicane dans son ensemble?

Ce n’est pas sans angoisse ni sans un énorme travail que la communion anglicane – depuis l’archevêque de Cantorbéry jusqu’aux rédacteurs de « blogues » officieux sur Internet – recherchent dans la foi des réponses à ces questions. Ce laborieux exercice de discernement a déjà donné naissance à plusieurs documents historiques. Tel le Windsor Report (2004) of the Lambeth Commission on Communion (Rapport de Windsor – 2004 – de la Commission de Lambeth sur la Communion), demandé par l’archevêque de Cantorbéry et chargé de lui faire rapport sur la façon de préserver la plus grande communion tout en répondant aux besoins des anglicans que leur conscience pousse dans des directions opposées sur les questions présentement soulevées. La Rév. Chan. Alyson Barnett-Cowan, directrice du bureau national Foi, Culte et Ministère de l’Église anglicane du Canada (et secrétaire du dialogue anglican-catholique) a fait partie de la Commission qui a rédigé le Rapport de Windsor. (On peut consulter le texte complet du rapport sur le site www.anglicancommunion.org/windsor2004/)

L’Église anglicane du Canada, à la suite d’un débat lors de son propre Synode général de 2004 sur la bénédiction des engagements entre conjoints de même sexe, a demandé à sa commission théologique nationale de répondre à la question suivante : la bénédiction des unions entre conjoints de même sexe est-elle une question de doctrine? Si la doctrine est en jeu, tout changement exigera, pour être autorisé, une démarche longue et méticuleuse (voire la rédaction d’un nouveau canon). On peut lire la réponse pondérée de la Commission théologique du Primat dans le St. Michael Report (www.anglican.ca/primate/ptc/StMichaelReport.pdf).

Sur le plan international, le Rapport de Windsor avait proposé une déclaration commune décrivant la cohésion entre les provinces de la communion anglicane pour aider à restaurer l’ordre et l’unité. On a donc demandé à un groupe international de rédiger ce qu’on appelle pour l’instant un pacte ou une alliance pour la communion anglicane (a “covenant” for the Anglican Communion). Le projet de texte est disponible et fait déjà l’objet de discussions dans divers pays et provinces de l’église (www.aco.org/commission/covenant/index.cfm).

Tous ces textes sont soumis à la discussion de l’ARC/Canada quand les deux coprésidents et les huit membres du dialogue s’unissent dans la prière pour demander la grâce et la lumière. En l’absence du professeur Gilles Routhier, à qui on avait demandé d’animer la discussion sur le Rapport de Windsor, l’échange porte surtout sur le St. Michael Report, sous la direction du docteur Susan Brown, du King’s University College (de London, Ontario).

Le docteur Brown relève dans le St. Michael Report les points avec lesquels concorderait la théologie catholique: le fait, par exemple, puisque la doctrine de l’église a toujours été exprimée avec précision dans la liturgie, que la bénédiction publique et officielle (liturgique) des unions entre conjoints de même sexe constituerait un geste ayant une portée doctrinale. Le St. Michael Report affirme que la doctrine est effectivement en jeu dans la bénédiction proposée, mais pas le « noyau de la doctrine », et il en conclut que les retombées doctrinales d’un tel geste liturgique ne seraient pas assez graves pour « diviser l’église ». Le docteur Brown estime que la description que donne le Rapport du « noyau de la doctrine » (qui correspond en gros à la notion catholique romaine de « dogme ») est plus étroite et plus restreinte que ne le serait la description catholique.

L’introduction de la bénédiction des unions entre conjoints de même sexe affecterait-elle la doctrine de l’église sur le mariage? Le Rapport répond « oui » à cette question en faisant remarquer que la bénédiction publique aurait tendance à rendre l’union analogue à un mariage. Ici, le docteur Brown retourne à La vie dans le Christ, déclaration conjointe de l’ARCIC en 1994, qui indique que pour les deux traditions « le mariage fidèle et pour la vie entre un homme et une femme représente le contexte normatif de la pleine relation sexuelle ». Le docteur Brown considère que le fait pour une église de tenir l’union entre conjoints de même sexe pour analogue au mariage marquerait plus qu’une simple diversité pastorale entre anglicans et catholiques mais indiquerait que « l’entente à un niveau plus profond n’est pas aussi solide que nous le croyions ou qu’elle l’a déjà été ».

Il est clair, relève le docteur Brown, que l’enseignement de l’église catholique ne saurait appuyer la bénédiction, ou l’approbation éthique, de relations sexuelles actives entre conjoints de même sexe. Cependant, nos deux traditions affirment que l’amitié et la fidélité pour la vie sont bonnes. L’affection mutuelle et l’engagement fidèle d’un couple homosexuel pourraient être interprétés dans les deux traditions comme « un instrument de la grâce ». Est-ce qu’on pourrait, dans un rite anglican, ne bénir et ne célébrer que la dimension de l’engagement d’amitié, en laissant à la conscience personnelle le choix d’adhérer ou non au célibat? Ou pourrions-nous au moins affirmer ensemble que l’engagement mutuel pour la vie peut être un instrument de la grâce et « continuer de nous parler en essayant de voir plus clair dans les autres aspects de cette question? »

Dans les échanges qui accompagnent et qui suivent la communication du docteur Brown, on est d’accord pour dire que la société canadienne d’aujourd’hui n’accorde pas au mariage la même valeur que nos grands-parents, et que la crédibilité de l’enseignement traditionnel de l’Église sur la sexualité et le mariage s’est fracturée au sein de notre culture. Ce contexte est-il un appel de plus lancé à l’église pour qu’elle résiste à la tentation de « se conformer à ce monde » et qu’elle intervienne courageusement sous l’impulsion de la grâce de Dieu pour essayer de transformer la culture? Y a-t-il là aussi un appel à nous efforcer ensemble d’élaborer une anthropologie théologique approfondie, capable de prendre au sérieux les idées nouvelles de la science moderne et les changements dans la conception que se fait notre société de la sexualité et du rapport entre les sexes? Les deux interprétations de l’appel de Dieu se retrouvent dans la conversation à Arnprior.

Avant que le groupe ne délaisse le sujet de la doctrine sur les relations et le mariage entre conjoints de même sexe, la chanoinesse Barnett-Cowan explique la proposition qui sera vraisemblablement présentée au Synode général de l’Église anglicane du Canada en juin 2007. Il se peut qu’on demande au Synode général de voter un nouveau canon sur la bénédiction des unions entre conjoints de même sexe, avec la possibilité que cette bénédiction ne soit accordée qu’aux conjoints qui auront contracté un mariage civil.

Aborder la question par le biais du droit canonique, c’est fixer la barre très haut, explique le docteur Barnett-Cowan, parce qu’un nouveau canon doit recevoir un vote à la majorité des deux tiers dans chacune des trois chambres des évêques, du clergé et du laïcat. Et même alors, la décision doit être confirmée au Synode général suivant, trois ans plus tard.

D’autres moments de ces trois journées de rencontre reflètent à la fois la joie et la difficulté d’un partage oecuménique soutenu. Pour le Très Rév. Bruce Stavert (évêque anglican de Québec), c’est sa dernière réunion avec le dialogue qu’il a coprésidé pendant sept ans. Il évoque de manière émouvante la façon dont les échanges et la cordialité au sein du groupe ont pu le nourrir et l’édifier; au groupe, de son côté, le remercie pour l’élégance et l’amabilité avec laquelle il s’est acquitté de ce service. À un autre moment, alors que nous examinons un passage de la déclaration de l’IARCCUM (paragraphe 101) sur l’assistance aux célébrations eucharistiques les uns des autres, nous nous reportons aux « règles » pour célébrer l’Eucharistie ensemble tant que nos deux églises n’ont pas la pleine communion. Selon notre pratique, anglicans et catholiques alternent à la présidence de l’Eucharistie, et les membres de l’autre tradition restent à leur place au moment de la communion. L’IARCCUM recommande à ceux et celles qui ne communient pas de s’approcher du célébrant pour recevoir une bénédiction. Nous décidons d’ajouter ce geste à notre pratique. Le dialogue confirme la nécessité pour ses membres de continuer de se soumettre à la discipline de chacune des églises, en dépit de la douleur qu’on éprouve à ne pouvoir recevoir la communion sacramentelle de la main les uns des autres après des années d’amitié et de travail théologique en commun.

La prochaine réunion du dialogue se tiendra dans la région de Toronto du 16 au 18 septembre 2007.